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Un index méthane verra le jour en 2025

À la ferme Inrae du Pin-au-Haras, le GreenFeed est caché derrière des parois fermées qui évitent la "pollution" par les émissions des vaches passant à proximité.

La sélection ouvre des pistes pour réduire les émissions de méthane des bovins laitiers. La variabilité génétique et l’héritabilité sont suffisantes pour que la recherche parvienne à produire des évaluations génétiques.

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Le changement climatique s’explique d’abord par la combustion d’énergies fossiles, mais les émissions de méthane jouent également un rôle. Si cette molécule représente 20 % des gaz à effet de serre, il s’avère que la réduction de cette source est particulièrement efficace. « Parce que le méthane a une demi-vie [1] courte, de l’ordre de dix ans, la baisse des émissions a un effet rapide sur la température de la planète », expliquait Didier Boichard, directeur de recherche à l’Inrae, lors d’un webinaire sur le sujet le 24 mars.

Le premier producteur de méthane est l’agriculture : 44 % à l’échelle de la planète, dont 29,5 % proviennent des fermentations entériques. Pour le reste, le secteur de l’énergie pèse 37 % des émissions de méthane et celui des déchets, 19 %. Et 5 % des émissions de méthane issues des activités humaines sont produites dans l’Union européenne.

Plusieurs leviers permettant de réduire les émissions des bovins ont déjà été identifiés. Il s’agit notamment de limiter le nombre d’animaux improductifs en avançant l’âge au vêlage, en n’élevant que le nombre de génisses nécessaires pour le renouvellement ou encore en travaillant sur la longévité des vaches.

Une vache émet 500 g de méthane par jour

La recherche a calculé que la généralisation du premier vêlage à 2 ans permettrait de réduire les émissions de méthane de 10 %. La baisse est identique en ramenant le taux de renouvellement à 25 %. Enfin, réduire le format des vaches afin de diminuer leur poids de 100 kg conduit à diminuer les émissions de méthane de 5 %. Ces estimations ont été établies par l’Inrae.

Par ailleurs, les émissions de méthane entérique varient d’un animal à un autre. L’écart type s’élève à 70 g/jour pour un animal adulte, sachant que les bovins laitiers en émettent en moyenne 500 g/jour. L’existence de cette variabilité génétique permet d’envisager une sélection des animaux basée sur leurs émissions de méthane. Ce caractère est modérément héritable, 15 % environ, ce qui est suffisant pour envisager une sélection efficace. Cette héritabilité varie peu d’une race à l’autre.

La mesure des émissions individuelles de méthane par les bovins est difficile à mettre en œuvre, même s’il existe plusieurs méthodes pour y parvenir. Or, pour effectuer une sélection génomique sur ce critère, il est nécessaire de disposer d’au moins 10 000 phénotypes (2) par an. Il est impossible d’y parvenir en utilisant des systèmes de type chambre respiratoire.

Plusieurs caractères liés au méthane

En 2023, les équipes de recherche ont réussi à établir un lien entre les émissions de méthane entérique réelles et le spectre moyen infrarouge (MIR) du lait (lire l’encadré ci-dessous). Il s’agit d’une avancée majeure pour la sélection car ces résultats d’analyse sont disponibles en très grand nombre. En effet, plus de 23 millions de spectres MIR collectés entre 2012 et 2023 par le contrôle laitier ont pu être exploités. Il a ainsi été possible d’établir des équations de prédiction des émissions de méthane exprimées en g/jour, g/kg de lait corrigé pour les taux et g/kg de MS ingérée. Ces équations ont été validées puis appliquées à l’ensemble des races laitières françaises.

L'appareil de mesure des émissions de méthane des bovins GreenFeed (ici avant installation) se compose d'une auge fermée afin de pouvoir récupérer les gaz émis. (© Inrae Le Pin)

Les différents caractères évalués se révèlent être génétiquement distincts. Autrement dit, les meilleurs animaux pour les émissions en g/l ne sont pas forcément les mêmes que les plus performants en g/kg de MS ingérée. Les scientifiques recommandent donc d’établir un index de synthèse regroupant l’ensemble de ces caractères.

L’étape suivante a visé à rechercher les corrélations génétiques entre les émissions de méthane et d’autres caractères. Ainsi, un essai réalisé à la ferme expérimentale du Pin-au- Haras, dans l’Orne, sur 107 vaches holsteins a montré une corrélation positive entre les émissions de méthane mesurées et l’ingestion de matière sèche. Elle reste cependant modérée (< 0,65).

D’autres travaux se sont intéressés aux corrélations avec la production laitière, les taux, les mammites, la fertilité, etc. Dans la plupart des cas, une corrélation positive modérée a été démontrée. Ce qui n’interdit pas une sélection sur les émissions de méthane, à condition de prendre quelques précautions pour ne pas dégrader des caractères intéressants pour l’élevage.

Les profils des mâles ont également été explorés afin d’évaluer leur index méthane. De là ont été confirmées l’importance de la variabilité génétique et donc la possibilité d’effectuer une sélection. La précision de ces index (CD) varie en fonction des races. Elle se situe à 0,19 et 0,27 respectivement pour la brune et la simmental, mais monte entre 0,48 et 0,59 pour les autres races laitières. Ces niveaux sont jugés suffisants pour sélectionner. Les chercheurs sont également remontés dans le temps pour calculer les index d’émissions de méthane des mâles de race laitière depuis 2012. N’étaient concernés que ceux qui disposaient d’une descendance phénotypée sur ce critère. On constate ainsi une belle stabilité ce qui signifie que la sélection passée n’a pas indirectement influencé ce caractère chez les taureaux laitiers.

Des progrès qui se cumulent avec le temps

Tous ces travaux vont aboutir à la publication d’un index de synthèse efficience méthane en 2025. Les perspectives de réduction des émissions de méthane via la sélection génétique restent modérées, mais les gains se cumulent ce qui laisse espérer des progrès sensibles avec le temps selon Didier Boichard. « En progressant de 1 % par an sur la production de méthane, on pourrait arriver à - 20 % en vingt ans, soit passer de 500 à 400 g méthane/jour/vache. » Une baisse plus rapide est techniquement possible, mais ne serait pas réaliste économiquement dans la mesure où elle se ferait au détriment d’autres critères de sélection, tels que la productivité. Sélectionner sur l’efficience, la longévité, la précocité ou le poids aide aussi à réduire les émissions de méthane. L’Inrae estime que « le succès de cette sélection repose sur une rémunération de cet effort et dépend donc de politiques publiques et des filières volontaristes ».

(1) La demi-vie correspond à la période nécessaire pour que la moitié du méthane disparaisse.

(2) Le phénotype est l’ensemble des caractères observables d’un individu. Il correspond à l’expression du patrimoine génétique (génotype) dans un environnement donné.

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